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Libération
Critique

Ils étaient neuf célibataires

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Ciné Classics, 20h30.
publié le 11 décembre 2000 à 7h46

De Guitry et Renoir, lequel est le plus suspect d'antisémitisme? «Guitry», répond le cinéphile de passage, étonné qu'on puisse seulement se poser la question.

La question se pose pourtant. Dans Ils étaient neuf célibataires comme dans la Règle du jeu, il est question de l'étrangeté de quelques personnages qui ne sont pas d'ici, d'une manière ou d'une autre. Des étrangères en mal de maris chez Guitry, un aristocrate juif chez Renoir. Les deux films sortent en 1939, à la veille d'une guerre qui va bientôt prendre prétexte de l'étrangeté de certains, les juifs surtout, pour tenter de les éliminer, en tant qu'étrangers précisément, avec une rage froide pour laquelle on n'a pas encore trouvé de nom. Pour Guitry, l'étranger ne pose pas plus de problème que ça. Un étranger, c'est Guitry avec un accent. On est dans un monde artificiel où les accents authentiques (Elvire Popesco, Betty Stockfield) voisinent avec les accents fantaisistes (Geneviève Guitry, Marguerite Moreno). Le monde réel est en face, de l'autre côté de la rue. Suffit de pencher la tête et de regarder.

C'est plus compliqué avec Renoir.

La Règle du jeu ne cesse de balancer entre le vrai et le faux, le naturalisme et l'artifice. On a longtemps cru que le cinéaste donnait le beau rôle au personnage de juif parvenu que joue Dalio, un personnage énervant, efféminé, fardé. C'est loin d'être évident. La célèbre tirade du cuisinier («Tout juif qu'il est, il sait reconnaître une vraie salade de pommes de terre») prouve simplemen