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Libération

Geiger TV

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publié le 15 décembre 2000 à 8h04

C'est hachée que la télé fonctionne le mieux. Bien zappée, avec ce qu'il faut de doigté et de petit bonheur la chance, il peut même lui arriver de se révéler dans sa toute grandeur: l'art parfait du télescopage, de la compression-minute, du je dis tout, je me contredis, et c'est pour ça que j'ai toujours raison. Un fourre-tout, des tonnes de conneries et, parfois, au fond de son tube, le truc qu'on cherchait sans même savoir qu'il existait. C'est sans doute ça qui la différencie de nos autres appareils ménagers. Les autres, ils sont inertes. Marche-arrêt, basta. La télé, elle, n'en fait qu'à sa tête. C'est sa force: elle gagne toujours, ou presque. Ainsi, on regarde le 20 heures de France 2 pour voir comment s'agite le monde et on tombe sur ça: des herbes folles, des sapins sauvages, une ville fantôme. On voulait du Gore, du Chirac, d'autres fantômes quoi, et on a Pripiat, Ukraine, à quelques encablures de Tchernobyl. Une cité de 45 000 évacués, vide depuis 1986, mais toute pleine d'images sages et sales. Des photos radioactives d'un fiston à l'armée, des jouets cassés, des immeubles en ruine, une crèche abandonnée, la grande roue de la ville fossilisée, et puis un dénommé Grégory, l'un des rares à être là, employé au centre de contrôle de radioactivité et qui nous dit: «Il fait encore clair. Mais, plus tard, dans la journée, c'est déprimant. Pas une lumière, pas une fenêtre allumée.» Maintenant, c'est la pub et la télécommande qui fait sa besogne. Sur TF1, Défense d'entrer