Revoyant l'autre jour Susie et les Baker Boys, un film dont le nom du réalisateur n'a pas plus d'importance que ça, on se disait que le charme des films n'a décidément rien à voir avec la part de cinéma qui s'y trouve encore. Il n'y a pas beaucoup de cinéma dans Susie et les Baker Boys, il n'y en a pas davantage dans Pretty Woman ou dans Quand Harry rencontre Sally, mais ce sont de bons films, pour peu qu'on considère qu'un bon film, aujourd'hui, est un film qui ne se laisse pas oublier. Quand le cinéma se suffisait à lui-même, il y a quelques dizaines d'années, on pouvait dire ça de Billy Wilder, de John Huston, dans une moindre mesure de Lubitsch. Ils ne faisaient pas de chefs-d'oeuvre, mais leurs films avaient quelque chose d'insistant, ils ne se laissaient pas oublier. Le propre des grands films, au contraire, serait plutôt de se dissoudre dans le temps. Impossible de se souvenir précisément de la Nuit du carrefour ou de Leopard Man, de La femme dont on parle ou de Dodescaden. Comme si l'émotion détruisait les plans au fur et à mesure, comme s'ils étaient littéralement vitriolés par la mise en scène, comme si le secret de leur fabrication s'envolait dès que les lumières s'étaient rallumées.
Pas de ça ici. Ici, on parle d'amour et de mélancolie. L'amour ne commence jamais (ça, c'est pour les femmes), mais la mélancolie reste (ça, c'est pour les hommes). La mélancolie insiste pour rester. Elle ne se laisse pas oublier. Quand l'amour ne commence jamais, on peut le faire déma