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Libération
Critique

Monsieur Arkadin

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Ciné Classics, 20 h 30.
publié le 21 décembre 2000 à 8h21

C'était l'autre jour à la télévision, dans l'une de ces émissions impudiques où il s'agit de livrer son âme en direct. Un grand acteur américain, Christopher Walken, disait que tout le théâtre était contenu dans l'ouverture d'Hamlet. Dans ces deux phrases courtes («Qui va là? Qui frappe?»), il y a aussi tout le cinéma, celui d'Orson Welles en tout cas, un gros monsieur sentimental qui avait connu Shakespeare dans les mines de sel de Silésie, en avril 1599, quand il travaillait sur la première version d'Hamlet. C'est ce qu'il disait mais on n'est pas obligé de le croire. Arkadin non plus, on n'est pas obligé de le croire. Avec sa barbe de tsar fou, il sort tout droit de la dernière partie en couleurs d'Ivan le terrible, la plus étrange, la plus maniériste. Pour qu'on ne voie pas qu'il pompait sur Eisenstein, Welles a tourné en noir et blanc. Le résultat est sidérant. Ultra-maniérisme emphatique, brouillon épique, c'est son vrai Don Quichotte. Ce sens du baroque, Welles ne le retrouvera jamais plus (et surtout pas dans la Soif du mal, film contemporain des pires dérives caniveau de Fellini).

C'est quoi au fait, le «baroque»? Selon Borges, ce serait quelque chose comme «l'étape finale de tout art lorsqu'il exhibe et dilapide ses moyens». Si l'on fait exception de son dernier film, le sublime Filming Othello, jamais Welles n'a autant fait preuve de cet art de l'exhibition et de la dilapidation que dans Monsieur Arkadin, thriller métaphysique qui reprend un canevas paranoïaque sim