Menu
Libération
Critique

Le ciel peut attendre

Article réservé aux abonnés
Arte, 20 h 45.
publié le 25 décembre 2000 à 8h28

Ce n'est pas la roue qui fut déterminante dans l'évolution de l'espèce mais la porte. Sans elle, pas de scène, pas de lieu où le dire se mord la queue, pas de circulation du désir, pas de fantasme, pas de secret, pas de rire. Sans porte, une seule possibilité. Avec des portes, une multitude de choix, de solutions. Ernst Lubitsch n'a pas réduit la vie à une succession de portes à franchir, il l'a élargie à un espace sans limites où tout est toujours réversible, toujours dynamique. Le ciel peut attendre est l'un de ses derniers films. Henry Van Cleve vient de mourir. Il est accueilli dans l'antichambre de l'enfer par un fonctionnaire zélé à qui il raconte son existence en plaidant coupable: l'amour sincère qu'il portait à sa femme ne l'a jamais empêché d'être un coureur invétéré. En route pour un flash-back sur la vie de couple, que Lubitsch bien sûr s'empresse de ne pas raconter, l'essentiel est ailleurs, les rituels sont là pour attraper l'insaisissable: Henry délestant son cousin manu militari de sa fiancée pour en faire sa femme (toujours une sérénade à trois); Henry dix ans plus tard récupérant sa femme (Gene Tierney), qui veut divorcer, et l'emportant dans ses bras comme la première fois; Henry et sa femme

vingt-cinq ans plus tard dansant cette fois une valse immobile, vite interrompue par l'irruption hors champ de la mort qui, au seuil de la vieillesse, rend Henry à son libertinage. Sous l'apparent plaidoyer pour la paix des ménages, une condamnation sans appel du face-à