On va dire qu'on a cinq ans dans une baignoire, et qu'on immerge une Barbie dans l'eau, et qu'on cache au fond de l'eau un machin en plastique qui fera office de monstre, et qu'on découvre que c'est le comble du suspens et de l'excitation de retarder au maximum la rencontre des deux créatures. Le lagon noir de Jack Arnold, maître ès peurs et extases enfantines, génial poète de série B des années 50, n'est autre que la matrice aquatique d'un érotisme archaïque destinée à accueillir la mémoire antique du spectateur. Trois ans avant L'homme qui rétrécit, Arnold inscrivait un curieux spécimen sur sa courbe fantaisiste de l'évolution de l'espèce et du temps, un homme-poisson, animalement humain ou l'inverse, se mouvant tendrement dans une variation de la Belle et la Bête au fin fond des eaux boueuses de l'Amazone. A l'occasion d'une expédition scientifique, une chercheuse plus proche de Muriel Hermine que de Marie Curie se livre en toute intimité à un crawl lascif, s'éloignant imprudemment du bateau de la mission. En dessous, une silhouette recouverte d'écailles l'observe puis petit à petit se rapproche, semble imiter la nageuse, danse à l'unisson... La peur suscitée dès lors se sophistique. Ce n'est plus la crainte du surgissement mortel de l'alien, c'est l'envie terrible que la créature inconnue soit empêchée, encore et encore, y compris par l'effet de sa propre volonté, de sa propre timidité, de saisir dans sa main palmée et griffue la cheville translucide qui se propulse par
Critique
L'Etrange Créature du lac noir
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par Isabelle POTEL
publié le 5 janvier 2001 à 21h23
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