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Libération

Houdini dollars

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publié le 15 janvier 2001 à 21h48

Elle a les couleurs délavées de la télé américaine, mais semble apatride. Elle émet de partout, sans qu'on sache bien pour qui. Canal 26, elle est ouverte 24 heures sur 24, week-end compris, et, pour certains amis, qui ne boivent pourtant pas, pas plus qu'ils ne fument quoique ce soit, ce serait la chaîne des chaînes, le canal ultime de notre monde moderne, le joyau terminal de l'hyperspécialisé. Son nom: Bloomberg TV. Dans ses studios, l'argent travaille en boucle et ne dort jamais, contrairement à ce que crurent longtemps nos grands-mères. A droite, sur un tiers de la largeur de ses écrans: des cours, des graphiques, des pourcentages. Du jaune, du gris, des triangles verts et d'autres dans le rouge («Æ»). En bas, sur un quart de la hauteur, deux bandeaux défilent jusqu'à nous coûter les yeux de la tête. C'est le tournis assuré, une course sans fin avec les chiffres du haut mystérieusement toujours en avance sur ceux du bas, quelle que soit la tendance: Foncière Lyonnaise 27,40 Æ. GFI Industrie 28,00 Æ. Groupe André 135,01 Æ. Guy Degrenne 22,00 inch Æ, etc. Enfin, dans une fenêtre riquiqui sur la gauche, des êtres humains (parce qu'il en faut bien) viennent nous conseiller, quelle que soit l'heure, minuit à Paris, sept heures à Tokyo. Pas le temps de dormir, c'est la saison des soldes. «Prises de bénéfices», acheter, vendre, succomber ou non aux «accès de nervosité» de Mister Nasdaq le capricieux, tout est dit, disséqué, dépensé. Bonne âme, Bloomberg TV, fille du Dieu dolla