Si John Ford est le plus moderne des grands cinéastes classiques, c'est qu'il a toujours pris son temps. Même dans ses films tardifs (Cheyenne Autumn, Frontière chinoise), ces films qu'on aime tant mais qu'il tenait lui-même en piètre estime, il ne s'agit que de faire son boulot. Pour Ford, le cinéma est un métier comme un autre, pas une attitude. Le temps presse, mais ce n'est pas son affaire. Pour lui, c'est toujours mieux avant. Le cinéma, la vie, l'amour, les bonnes manières, c'est toujours mieux avant. Il n'y a que des cinéastes à petite cervelle, Alain Corneau par exemple, pour s'énerver en direct de cette évidence-là, pour nier en direct que c'est toujours mieux avant. Il faudrait regarder les films de Ford sur un écran de Game Boy pour commencer à comprendre. Mais ça, tous les Corneau du monde ne s'y résoudront jamais. Si on n'avait pas peur d'être vulgaire, on dirait qu'il faut rétrécir le cinéma pour commencer à comprendre, au lieu de «home-cinéphiliser» sa vision du monde. Mais ça, ça ferait trop mal à la quéquette, n'est-ce pas?
En 1962, quand il tourne l'Homme qui tua Liberty Valance, John Ford a 67 ans. Trois films encore, quatre si l'on compte Young Cassidy, et l'amiral prend congé. Dans ce film aussi, il prend congé. Comme dans Cheyenne Autumn, comme dans Frontière chinoise. Le noir, maman, le noir. Le scénario de Liberty Valance est d'ailleurs le même, à un ou deux détails près, que celui du dernier scénario de Mizoguchi, celui qu'il ne tournera pas (pas le t