Qu'importent l'heure et la chaîne, c'est le même mouvement de caméra, vif et brutal, car il faut faire vite avant l'ouverture de l'audience. L'optique va de gauche à droite, de Roland Dumas à Christine Deviers-Joncour, du ministre à la courtisane, de l'amant à la maîtresse, du déchu de la République à sa «putain». Le plan est tout sauf anodin. Il est en boucle, c'est un symbole. Une sorte de gifle imaginaire entre ces deux-là. Une claque que nous surplombons, depuis l'estrade où s'est placée la caméra, du côté des juges, faisant de nous des téléjurés d'un soir. Et puis, il y a les mots. Les mêmes mots, ou presque: «Pas un regard échangé», «pas une poignée de main», «pas un salut à leur arrivée», «chacun est allé s'asseoir à un bout du banc des prévenus, comme pour maintenir la distance qui les sépare», «les deux anciens amants s'ignorent», «les regards s'évitent et, quand ils se croisent, on s'efforce de ne pas se voir». Et, puisqu'il faut que la scène soit complète, le théâtre total, qu'il ne s'agirait que «d'une histoire d'argent et d'amour», on entend ici où là Roland Dumas lâcher un: «Je vais me mettre là.» Froide réplique qui sent sa petite vengeance, trop calme pour sembler improvisée. Voici les seconds rôles à présent, l'avocate de Deviers-Joncour: «Oui, elle le vit douloureusement. Roland Dumas était l'homme de sa vie. Elle se retrouve sur un banc, lui sur le sien. C'est difficile et c'est légitime.» Tout y est, rien ne nous est épargné. Les qualificatifs abondent. U
Fleur bleue et argent noir
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par David DUFRESNE
publié le 24 janvier 2001 à 22h08
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