Pour ceux qui ont Bruce Willis dans la culotte ou Ally McBeal dans la tête, Pagnol signifie quelque chose comme folklore, France profonde, partie de cartes. C'est évidemment d'une autre paire de manches qu'il s'agit. A mi-chemin des westerns sociaux ou amoureux de John Ford et du naturalisme épique de Dovjenko, le cinéma de Marcel Pagnol (avec celui de Guitry et de Gance) a révolutionné une manière douillettement française de boucler les films comme on met sa ceinture de sécurité, une manière vieillotte de traverser le paysage à vingt à l'heure. Héritiers du muet le plus radical, ces trois là vont s'enticher de ce qui différencie précisément le parlant du cinéma muet, le son direct. Même aujourd'hui, dans la mélasse Dolby qui sert de bande-son au home cinema mondial, on peut ressentir la dynamique aiguë de ces prises de parole intempestives et sans descendance ce qui tient lieu de «cinéastes» aujourd'hui préférant s'astiquer la bistouquette à coups de ralentis, de travellings, de cadrages artistiques, plutôt que d'écouter comment un acteur trébuche en direct sur son texte, ce que faisait Pagnol dans son camion-régie (si le son est bon, tout est bon), ce que faisaient aussi à leur manière, en postsynchronisation antinaturaliste, un Bresson, un Melville ou un Tati, ce que les Straub théorisent encore avec un rien de terrorisme esthète, ce que Godard dit qu'il faut faire, mais sans savoir comment.
Naïs appartient à une époque heureuse où le cinéma pouvait filmer un bossu sans