Depuis le temps, on s'en était fait une vague idée. On connaissait son visage, quelques photos, ses noms d'emprunt, on le suivait à la trace, ses cigares, son vin, ses Philippines et sa Philippine. Puis, vendredi, Alfred Sirven est devenu un corps en mouvement, une voix, de la sueur, un regard. Presque des retrouvailles avec un ami lointain. Dans le genre, Sirven le Généreux a sorti Alfred le Grand Jeu. Pour les gens de la télé, il «fanfaronnait», il faisait «bonne figure», il y avait de «la bravade chez lui». Ah! ce sourire net et ces déclarations floues («je veux rester fidèle à ma morale», «quand politique et argent se mêlent, c'est difficile de s'en sortir»), cette chemise à carreaux comme on n'en fait plus, cette casquette de seconde zone (estampillée en lettres d'or «USA guess»), ces cuisses de poulet partagées dans le rire avec les policiers locaux, ces murmures avec son flic français qui l'a traqué des mois durant. Fanfaronnade, tout ça? Et s'il y avait plutôt une sorte de sincérité, de promesse de jours brûlants à venir pour la République, et pour nous tous. Une force, entre insouciance et certitude de celles que procure le pouvoir de celui qui sait. Voyons, voyons: comment un type avalant aussi tranquillement des cuisses de poulet dans un commissariat peut-il être foncièrement inquiet? Etrange arrestation, à des années-lumière de l'idée télévisuelle qu'on s'en fait par chez nous. Ici, c'est tête baissée, mains menottées et déclarations zéro. Là-bas, en Orient, ce
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