C'est quoi le crime de Monsieur Lang? On a encore cinq ou six films pour essayer d'entrevoir ce qu'il a lui-même appelé «le secret derrière la porte», une sorte d'acharnement géométrique à débusquer ses propres fantômes dans le placard, un art de la paranoïa introspective (M le maudit en 1931, Man Hunt en 1941) qui devait tant influencer les films de Tourneur (Cat People, 1942, Leopard Man, 1943), lesquels devaient à leur tour laisser une marque indélébile sur les plus beaux Hitchcock, les plus pessimistes, les plus nocturnes (Notorious, 1946, Les Amants du Capricorne, 1949, Vertigo, 1958, Psychose, 1960, Les Oiseaux, 1961, Marnie, 1964). Plus qu'une marque, on pourrait parler d'une cicatrice, dont le grand cinéma classique ne s'est jamais remis, une blessure intérieure, une balafre. Dans Règlements de compte (The Big Heat, 1953), Fritz Lang subit à son tour l'influence naturaliste d'un cinéaste aussi important que lui, Jean Renoir. Influence essentielle et souterraine qui s'était manifestée dès 1945 dans La Rue rouge, son remake malheureux de La Chienne, une histoire d'amour hystérique tournée quinze ans plus tôt par ce cinéaste inimitable sur lequel il allait essayer de s'aligner de nouveau quelques mois après Règlements de compte, avec Désirs humains, remake à peine plus réussi d'un autre Renoir, La Bête humaine (1938).
Le réalisme social et la violence lyrique de Règlements de compte, ses ruptures de rythme, ont définitivement à voir avec le naturalisme sauvage de La Chie