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Libération

Requiem pour une conne

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publié le 23 février 2001 à 23h08

C'est la fête des morts, Trenet qu'on enterre, Gainsbourg qu'on déterre. La télé est un cimetière et nous, des profanateurs-zappeurs. Ça sent vraiment le sapin ces temps-ci. Ainsi Gainsbourg à la télé, sur Canal +. Trente minutes du Rastaquouère dans son et sa télé-génie, où le Laid fait le Beau à la perfection, en excellent client qu'il était. Provo, bons mots, Aux armes, etc., les auteurs du documentaire (Royer et Lefdup) fouillent les archives et exhument quelques inédits, des cadres décadrés, des décors qui n'en sont pas (fond noir), la belle simplicité des années 50 contre les néons stupides des années 80. Comme souvent avec la télé, cette fille de joie pressée, pas question de s'appesantir, moins encore de s'attendrir (trop chronophage, ça). Le plaisir est tarifé, il faut faire vite, quitte à jouer de la saccade. Gainsbourg à la télé, c'est donc un montage serré, le saccage du temps, la mémoire pulvérisée, des allers-retours incessants entre les débuts du Poinçonneur et la fin du fumeur («Je ne suis pas suicidaire, disait-il. Si j'arrêtais, il y aurait tout un métabolisme qui serait foutu», merci l'ami). Comme si, parce que la télé s'est intéressée au Monsieur, c'était elle qui importât; elle et ses souvenirs; elle et ses bandes magnétiques. Il y a dans ce parti pris une désagréable démonstration de force: celle de cette télévision qui ne meurt jamais, à l'inverse de ses invités et de ses (consom)mateurs que nous sommes. C'est le Constipation Blues triomphant. Où l'on