Sa manière irrésistible de lever les yeux au ciel, ses robes au col si haut et si rigide, ses sourcils qu'elle mettait deux heures à dessiner... «Ruan Ling-yu devenait ce qu'elle jouait.» En 1935, l'actrice chinoise jouera une actrice suicidée dans Femmes nouvelles. Et mettra fin à ses jours la même année. Une carrière débutée à 16 ans, une mort à 25, au faîte de sa gloire: la «Garbo chinoise» devient un mythe du cinéma des années 30. Ruan Ling-yu n'eut jamais de voix à l'écran (elle mourut quelques jours avant l'arrivée du parlant en Chine). Maggie Cheung lui donne la sienne, dans ce film de Stanley Kwan tourné en 1992 et sorti en France en 1999.
Plus qu'un film sur le mythe Ruan Ling-yu, plus qu'une évolution, en filigrane, d'un pays et de son cinéma (l'invasion japonaise, les films de plus en plus progressistes), Center Stage est un vertigineux portrait d'actrices en abyme. Stanley Kwan va et vient entre noir et blanc (ses acteurs aujourd'hui), et couleur (l'évocation du passé), entre fiction et réalité documentaire. Une réalité d'ailleurs en trompe l'oeil, puisque le making of du tournage et les interviews des acteurs étaient écrits dès le scénario. Quand elle tourne Center Stage, Maggie a 24 ans. L'âge auquel Ruan se suicidait. Et quand le film évoque les débuts plutôt décoratifs de Ruan dans des films romantiques, Maggie Cheung précise: «Un peu comme moi, non?» avant Center Stage, l'actrice hongkongaise avait tourné plus de soixante-dix films, dont six avec Jackie Cha