Il y a deux ou trois dizaines d'années, quelqu'un faisait remarquer astucieusement qu'un film, après tout, ce n'est rien d'autre que «de la propagande pour son scénario». C'était Daney, bien sûr, qui avait un sens si fin de la formule qu'on se persuadait à tous les coups d'en avoir été l'auteur. Tout ça pour dire que l'Homme tranquille est l'un des films les mieux programmés pour ça, «faire de la propagande pour son propre scénario». En bien comme en mal, d'ailleurs, tant cette programmatique propagandiste est à la fois merveilleuse (onirique, transparente, amoureuse, lyrique) et un rien manipulatrice et mensongère, les rapports de John Ford avec l'Irlande étant tout sauf simples et sincères.
La sincérité, c'est quoi au cinéma? Pour Ford, l'amour nationaliste et patriote pour le pays de ses ancêtres, l'Irlande, prime sur la vérité. Sa vérité à lui, petit Américain né à Cape Elizabeth, dans le Maine, en 1895, se confondra de plus en plus dans ses films, du Mouchard (1935) à l'Homme tranquille (1952), avec celles de ses parents, de ses grands-parents, de ses voisins, de ses oncles, dans une sorte de généalogie à l'emporte-pièce qui emporte tout sur son passage. Le vrai dernier Ford, Young Cassidy (1965), est d'ailleurs un retour ultime sur la jeunesse de l'un des plus grands poètes irlandais, Sean O'Casey, tentative poignante de mythologiser une dernière fois ses propres origines symboliques. La sincérité de Ford dans l'Homme tranquille, amours tumultueuses et romantiques entre