Billy Wilder n'a pas fait que des chefs-d'oeuvre. La preuve ce soir. Visez un peu la kitscherie: au début du siècle dernier en Autriche-Hongrie, Bing Crosby est voyageur de commerce pour un fabricant américain de gramophones. Il est venu fourguer ses machines à l'empereur François-Joseph... Wilder cuisine façon opérette cette tentative de synthèse entre son Europe natale et son Amérique d'adoption. Cela nous vaut une scène d'anthologie: Crosby, culotte de peau et chapeau tyrolien, yodelisant sur fond d'Alpes autrichiennes (les montagnes Rocheuses canadiennes pour le tournage), au milieu de gentilles bergères. Dans le registre folklo-onirique, cela rappelle un peu le Brigadoon de Minelli, mais en nettement moins euphorisant.
A la place de Bing Crosby, on aurait essayé de détruire jusqu'à la dernière copie de ce film. Il est probable que, dans cette entreprise, l'acteur aurait reçu le concours actif de Wilder: le réalisateur de Sunset Boulevard (1950)n'a jamais été particulièrement fier de The Emperor Waltz (1948), et les rares fois où il en a parlé, c'est pour demander qu'on veuille bien «passer l'éponge».
Le cinéaste a des circonstances atténuantes. Il réalisait là son premier film en couleurs. Or, sa rencontre avec le pimpant Technicolor semble avoir été plutôt rude. «Tout avait l'air de sortir de chez le glacier, a-t-il écrit dans ses mémoires (1). Même le dialogue sonne faux en couleur.» Après ce mauvais trip, Wilder retournera illico au noir et blanc et s'y tiendra pendant