Frédérique s'ennuie. Mariée à Galuchat (Jacques Spiesser), un être dépressif, alcoolique et souffreteux, elle vide les truites qui baignent dans les eaux fraîches de son Jura natal. Et tout le film de Losey a cet air-là, parcouru de courants glacés. Adolescente, Frédérique (Isabelle Huppert) a juré d'obtenir tout des hommes sans jamais rien leur donner. Sans bien comprendre ce qui attire tant ces hommes riches et décadents (dont Jean-Pierre Cassel) chez cette gamine à jupe plissée et sweat-shirt (barré d'un «peut-être» à l'endroit et d'un «jamais» à l'envers), la voilà qui plante son mari et part au Japon avec un inconnu friqué rencontré dans un bowling.
Gros plan sur les rouages de la machine à mettre les quilles debout, ralenti sur les strikes à répétition de Frédérique. On l'a compris, dans ce film de 1982, Losey veut dépecer les moeurs dissolues des bourgeois, qui trompent leur maîtresse avec une maîtresse, sous le regard quasi complice de leur femme. Ecailler celles des vieux éleveurs de truites jurassiens qui organisent des «soirées» dans leur chalet avec des jeunes filles. Filmer la vacuité des discours, la superficialité des relations. L'ennui. Il le veut tellement que ça gagne tout le film. Tout est vain dans la Truite. Les regards lourds de sens des comédiens, vraiment très lourds de sens, les rires forcés, les répliques qui sonnent faux («Que pensez-vous de Tokyo?» «Il y a beaucoup de Japonais»). Certaines sorties qu'on suppose «clés» restent sur l'estomac. Derrièr