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Libération
Critique

Banlieue blues.

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«L'amour existe», de Maurice Pialat (1961). Ciné Classics, 18 h 25.
publié le 18 avril 2001 à 0h31

Les programmes courts de Ciné Classics réservent souvent de jolies pépites. Cette semaine, c'est d'un véritable diamant noir dont il s'agit: L'amour existe, le premier film sorti en salles de Maurice Pialat, dix-sept minutes à la fois glaçantes et bouleversantes sur la vie en banlieue parisienne au début des années 60. Le très proustien «longtemps, j'ai habité la banlieue» qui ouvre le commentaire et quelques plans aux allures de photos de Doisneau ne doivent pas faire illusion: ici pas de vision nostalgique d'un âge d'or banlieusard, mais un constat implacable sur la France du général-président de Gaulle. Le pays qui se pique de modernité et de grandeur est à l'image de la Marseillaise de Rude dans les derniers plans du film: «La main de gloire qui ordonne et dirige, elle aussi peut implorer; un simple changement d'angle y suffit.» Pialat ne filme donc pas les grands travaux gaulliens, mais l'enfer des migrations pendulaires, les cités-cages à lapins (ces «casernes civiles où l'embrigadement se paie à tempérament»), les premiers bidonvilles de cette «ceinture rouge» qui, bientôt, «sera teintée en rose». Le montage se fait assassin pour prouver que, désormais, «la publicité prévaut contre la réalité»: au cliché d'un couple satisfait dans son intérieur petit-bourgeois succède l'image terrible d'un minot éploré dans une cabane de zinc. Cadrage rigoureux, colère et émotion à fleur d'image: le grand Pialat de l'Enfance nue et d'A nos amours est déjà bien présent dans ce coup d'e