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Libération

Jospin, entre chien et loup

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publié le 19 avril 2001 à 0h31

Le décor est beau. Le décor est naturel. Une baie vitrée, puis la Seine, un pont, des immeubles parisiens, des boulevards, des lampadaires et, enfin, le ciel. Un ciel de foutu printemps qui ne vient pas, mais un ciel quand même. Il est 20 h 20. Lionel Jospin n'a jamais eu les cheveux si blancs. Veste anthracite, chemise bleue, cravate grisée. C'est l'heure des bonsoirs et des premiers sourires. L'heure du tour de chauffe autour d'une belle table blanche, l'heure «du peuple passionnant, intelligent, du peuple vif» (oui, c'est de nous dont il s'agit !). L'heure, aussi, des satisfecit, des «1,5 million d'emplois créés». Le Premier ministre est filmé profil droit. Derrière lui, là, à l'ouest, un soleil. Certes, il est pâlot, orange timide. Il va se coucher. Mais il est là. Les minutes filent. Pour Jospin: «Il faut donner du sens, au double sens, si j'ose dire, du mot sens» (soit: au sens de direction et de signification). Ça tombe bien, des voitures, en arrière-fond, font leur Raymond Devos et se croisent sur un pont dans les deux sens. L'horizon s'assombrit peu à peu. Il est question de la SNCF, des grèves, des «trous d'air économiques». Le ciel descend, la tension monte et un lapsus surgit («Il faut complètement... heu, constamment faire des ajustages», à propos des salaires de la fonction publique). Jospin redevient ce Jospin qu'on connaît, un peu prof, un peu froid, les fiches furtivement zyeutées. Maintenant, le ciel est tout à fait gris, bientôt noir. On évoque les sages-f