Depuis septembre 1999, une longue coque rouillée est amarrée dans le port de Burgas, en Bulgarie. L'armateur a disparu, l'équipage des neuf marins ghanéens est toujours là, sans salaire, sans un centime pour payer le billet retour, pêchant de minuscules poissons, espérant toujours «que les organisations internationales vont se mobiliser». Présentés en ouverture de ce documentaire édifiant, Dominique, Ato, Barnabas, Ernest sont les tristes témoins d'un univers où l'on juge plus rentable de risquer un naufrage ou une marée noire que de se payer un bateau neuf. Plus d'une centaine d'équipages sont abandonnés chaque année. Deux navires coulent chaque semaine et le quart de la flotte mondiale, environ 10 000 navires, ne répond plus aux normes de sécurité. Ashok Sinha, armateur indien, avait quatre bateaux. Le Cordigliera a coulé en 1996 au large de l'Afrique du Sud. Vingt-neuf marins sont morts, aucune des familles n'a été indemnisée. Ashok Sinha, lui, va toucher près de 5 millions de dollars de prime d'assurance. Deux autres navires ont mystérieusement «disparu». Reste le Devo, un cargo poubelle, que Frédéric Brunnquell a recherché dans le monde entier, pour «comprendre comment un armateur sans scrupules parvient à travailler». L'enquête, fouillée, sans détour ni raccourci, nous emmène de Santos au Brésil à Massawa, en Erythrée, en passant par le Pirée où l'on rafistole des navires de plus de 50 ans, puis à Londres, capitale administrative du monde maritime. Etape après étape, l
Critique
Des naufrageurs qui ne boivent pas la tasse.
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par Ondine Millot
publié le 11 mai 2001 à 0h50
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