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Libération
Critique

Les nuits de Cabiria.

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Cinétoile, 21 h.
publié le 17 mai 2001 à 0h53

Des rires, un couple d'amants main dans la main, cavalant vers le Tibre. Un cri. L'homme s'enfuit, il vient de jeter la femme à l'eau. Pour les 40 000 lires de son sac à main. Elle manque de se noyer, on la sort du fleuve. «On peut dire que tu reviens de loin!» «Il y a cinq minutes, elle était presque morte...» Et la Cabiria, trempée, de brailler: «Ah ça, on ne m'y reprendra plus de si tôt!» Aux hommes qui l'ont repêchée: «Oui, vous m'avez sauvée, et après?» Et après, on ne la sauvera pas à chaque fois, Cabiria. Et après, la prostituée romaine pourra bien sursauter, espérer, batailler, elle n'est qu'en sursis.

Le destin de Cabiria (Giulietta Masina) est là, dans ces dix premières minutes. Avec les Nuits de Cabiria, conçu en collaboration avec Pasolini et sorti en 1957, Fellini est encore influencé par le néoréalisme. Pendant plusieurs nuits, il suit les tournées de bienfaisance parmi les prostituées de la banlieue romaine et dresse ce fabuleux portrait de fille de joie à la fois naïve et gouailleuse, à la démarche pataude et aux mimiques de clown, qui se cogne dans les portes, se perd dans les rideaux, jure comme une charretière et se bat comme une chiffonnière. Fellini se glisse parmi les marginaux, les truands, les prostituées, les bonnes soeurs. Se faufile au coeur du pèlerinage du Divin Amour, avec les maquereaux qui veulent se refaire une virginité et les boiteux qui tentent de récupérer une jambe. Son néoréalisme est déjà empreint de fantasmes et de poésie... Cabiria se