C'est pas parce que c'est l'Ascension qu'il faut se priver. Ce soir, foin de pudeurs imbéciles, invitons-nous chez Cronenberg. Toujours ce sujet qui l'obsède: quelle est cette chose qui coule entre les gens, hésite, s'arrête, bloquée, repart, parfois. De quoi est fait ce flux tendu? Crash, qui, on s'en souvient, fit à Cannes en 1996 son petit scandale, adapté du roman de James G. Ballard, est, très simplement, l'histoire du désir.
James Ballard (James Spader) bosse dans le cinéma. Il est surtout ce que l'on appelle communément, ici avec justesse, un baiseur fou. Sur son bureau avec son assistante, sur une terrasse avec sa femme (Deborah Unger, ensorceleuse). Parvient-il à la jouissance? On en doute. Quand il ne baise pas, au volant de son automobile rouge, il mate des photos de dénudées très dénudées. On ne se méfie jamais assez des images: James Ballard perd le contrôle et s'emplafonne une voiture dont il tue net le conducteur. Sa dernière vision de la chose, le visage de la femme du mort, son regard fixe. On le retrouve dans un hôpital. Comme toujours chez Cronenberg, invention géniale, l'hôpital est celui de l'aéroport. Vide, il sert à accueillir les blessés des crashes aériens. Sa femme, à ses côtés, lui parle de la femme du mort, une médecin, Helen Remington (Holly Hunter, sublime), également hospitalisée. Qu'il croise dans un couloir. La scène vaut pour emblème: James, sa jambe piquée de tiges de fer, corps branlant et, lointaine, la silhouette boiteuse de la femme. La