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Libération

«L'esclave qui défia l'Empire»

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publié le 5 juin 2001 à 1h09

C'est l'heure du film, c'est dimanche soir. Avant-hier, c'était Gladiator en THX. Le moment le plus étrange de Loft Story, peut-être. Des corps assis, ou allongés; des yeux fixés vers un écran plasma qu'on devine plus qu'on ne le voit; et aucun son, aucune image (sans doute pour des raisons de droits). Chacun regarde l'autre: eux ont les yeux tournés vers nous, les nôtres croisent les leurs et, pourtant, rien. Pas d'échanges, pas d'expression, personne ne se voit, personne ne se parle. Le vide complet, à l'arrêt, suspendu. Regarder des gens regarder la télé... quelle aventure. Miroir, mon beau miroir, ai-je vraiment cette tête-là?

Eux semblaient heureux. «Ouais, wow, cool», comme ils disent. Sur la jaquette du DVD, il était écrit: «Réservé exclusivement à la vente.» Ils n'en revenaient pas: «ça veut dire qu'ils l'ont acheté?», «Ouaip, merci la prod'!» A voix haute, Jean-Edouard lut le sous-titre: «L'esclave qui défia l'Empire.» Nous, bêtement, on se mit à rêver. A les imaginer en Spartacus de la télé réelle, on voyait déjà du sang et de l'action, les meubles Ikea façon kit et puzzle, les caméras par terre, les murs du Loft trembler et la production paniquer. Mais non, le contrôle est total. Pas un signe de rébellion. Les jeux du cirque sont faits depuis longtemps. Ceux qui devaient partir nous ont déjà salués, Delphine, David... Les autres, ô les autres, sont anesthésiés. Un jour, il y a bien longtemps, trois semaines disons, un lapsus d'Aziz avait tout dit: «Dans le Loft, on