«Je suis comme ça, je suis bleu. Je ne peux rien faire...» «Bleu», en russe, cela veut dire homosexuel. Evgueni Karitonov est mort à 41 ans, en 1980. Comme ça? Comme il ne fallait pas dans la société soviétique. Il appartient à ces inconnus que le régime a traqués, humiliés, bannis. Des hommes que visait particulièrement l'article 121 du code pénal. Leur crime? Etre homosexuels. De 1934 à la fin du régime soviétique, ces parias furent par milliers envoyés en Sibérie pour un minimum de cinq ans renouvelables ou à l'hôpital psychiatrique. Dans ce documentaire remarquable de pudeur et de tendresse pour ces victimes ignorées, Frédéric Mitterrand nous offre un voyage entre hier et aujourd'hui, qui s'ouvre sur une séquence un peu longue, filmée dans un square de Saint-Pétersbourg, haut lieu de drague homo, puis parcourt le siècle. Des témoins parlent de ce que furent ces décennies de honte... L'euphorie de la révolution de 1917 passée (vite), Staline et ses successeurs organisèrent la répression. Le poète Guennadi Trifonov fut arrêté en 1976, jugé dans un procès truqué, puis envoyé en camp. Ce retour sur sa vie lui est douloureux. Il évoque cet officier du camp, marié, père de deux enfants, avec qui il eut une histoire d'amour et qui fit passer ses poèmes à ses amis, puis à l'étranger. Passent ensuite des silhouettes plus connues: Eisenstein, Paradjanov, Noureïev, Gorki, dont André Gide fut invité à prononcer l'éloge funèbre. André Gide, justement, qui, dans son récit Retour d'Urs
Critique
Bleu du ciel russe.
Article réservé aux abonnés
par Sophie ROSTAIN
publié le 23 juin 2001 à 1h20
Dans la même rubrique