«On prend un homme vivant et on le coupe en deux morceaux, c'est cela guillotiner.» D'une année de rencontres avec Robert Badinter, le réalisateur Joël Calmettes n'a gardé que la voix. Le timbre grave, l'articulation lente et douce de l'avocat. Dans ce documentaire-essai, le sujet n'est pas filmé, et pourtant n'a jamais été aussi présent. Sur les phrases et les silences, Calmettes a mis des images fixes, une projection de diapos souvenirs. En ponctuation, il filme la vieille machine à diapos, la bande qui défile... On aurait pu tomber dans le docu-Témesta, c'est tout le contraire. Happé par la voix, le spectateur est au coeur du récit.
Fils de juifs russes immigrés en France, Robert Badinter est élevé dans l'amour de la République. Son père meurt dans le camp d'extermination de Sobibor en 1943. Il évoque son enfance comme une «clef secrète» de son combat pour l'abolition de la peine de mort. Il raconte ses années d'avocat mondain, défenseur de Chaplin, Fellini ou Visconti. Puis c'est le «tournant», l'affaire qui détermine son combat futur, le procès Buffet et Bontems en 1972. Il assiste à l'exécution de son client. «J'ai ressenti une grande honte. Je ne pouvais pas accepter une justice qui tue.» En 1977, au procès Patrick Henry, il met les jurés face à la «culpabilité» qu'il ressent. «Je leur ai dit que la peine de mort serait abolie bientôt. Et qu'il resterait leur décision.» Le 9 octobre 1981, ministre de la Justice de François Mitterrand, il annonce l'abolition. Le documen