«Dans un vaste mouvement, à mon sens non concerté, l'Amérique se refuse à montrer ses morts. Les quelques cameramen, les quelques photographes qui s'y sont aventurés ont été aussitôt interpellés. Et ils ont été momentanément privés de leur carte de presse. Mais, ici, personne ne semble s'en offusquer.» Ainsi parle Patrick Poivre d'Arvor, en direct de New York, lundi soir. Depuis huit jours, on sentait bien qu'il y avait un sérieux problème. Toujours les mêmes images, ces femmes blotties contre une voiture; ces mêmes sauveteurs filmés de loin; ces avions impossibles; ou ces corps qui chutent sans chute finale. Jamais de sang, jamais de morts. Pourquoi? Parce que la guerre. De la boucle pour masquer la boucherie. De la répétition comme méthode Coué mondiale. Plus Bush devenait martial, et plus on savait qu'on ne verrait rien, ou si peu.
Déjà, la semaine dernière, le Figaro révélait que le FBI avait confisqué le reportage de deux opérateurs français, tourné en plein carnage. Tout juste l'Agence fédérale avait-elle laissé aux frères Naudet un extrait de leur film (1). Au fil des jours, des mots revenaient, «zone de sécurité», «périmètre interdit». Au fil des jours, ça valait aussi pour les caméras. Le doute s'installait, une habitude.
Et puis, lundi soir, PPDA est arrivé. Moins faux que nature, plus vrai que sa marionnette, «vous regardez trop la télévision», etc. Quatre phrases, des mots qui claquent «vaste mouvement», «se refuse à montrer ses morts», «cameramen interpellés», «