A la tribune, Boris Eltsine, le chef du Parti pour la région de Sverdlovsk (Oural), raconte sa visite dans une cantine universitaire. «J'ai commis une erreur tactique», annonce-t-il, rigolard. A la suite d'un courrier alarmiste des étudiants, Eltsine a prévenu qu'il ferait une «descente» sur place. Résultat, un menu comme on en fait plus: «Des jus de fruits, du thé, des concombres, des tomates...» Eclat de rire général dans la salle. On est en 1981, et c'est peu dire qu'il déteint dans le paysage glaciaire de la nomenklatura brejnévienne. Daniel Leconte et Alante Alfandari, les auteurs de ce documentaire rythmé et riche en témoignages de première main, tentent d'expliquer l'ascension de cet homme au profil atypique. Petit-fils de koulaks, dont le père a été interné pendant trois ans, le jeune Boris se méfie du Parti. Sa seule ambition est professionnelle: il devient ingénieur sur les chantiers de BTP, non sans avoir appris les métiers de charpentier, maçon, couvreur... Repéré par les apparatchiks locaux pour son dynamisme et son sens du contact avec les «masses», il prend finalement sa carte «par nécessité», bien décidé à faire bouger les choses à Sverdlovsk, puis à Moscou, où il est appelé au milieu des années 80. Sanctionné par Gorbatchev pour ses diatribes contre la bureaucratisation, Eltsine est rétrogradé, mais revient sur le devant de la scène à la faveur des premières élections démocratiques. «C'est un destructeur, pas un constructeur», conclut, amer, Gorbatchev. Avan
Critique
Boris avant Eltsine
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par Thomas Hofnung
publié le 3 octobre 2001 à 1h09
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