En onze années et une dizaine de films, le cinéaste Rithy Panh poursuit son intime travail de deuil sur la tragédie cambodgienne. Que la barque se brise est sa troisième fiction, après les Gens de la rizière (1994) et Un soir après la guerre (1998). Toutes trois prises dans une large production documentaire vouée à la mémoire des victimes des Khmers rouges, du remarquable Site II (1989) au remarqué la Terre des âmes errantes (2000). C'est dire si la réalité ne cesse de submerger l'imaginaire de ce jeune cinéaste lui-même marqué par cette guerre lourde de deux millions de Cambodgiens assassinés, qui lui a pris ses parents et l'a cantonné, enfant, dans un camp de rééducation. Le jeune exilé n'aura de cesse de restaurer par le cinéma une identité et une culture brisées.
Ici encore, ce sont les personnages de ses documentaires qui viennent nourrir sa fiction, jouée par des acteurs non professionnels. L'histoire d'une rencontre, dans le Chinatown parisien, entre une rescapée du génocide khmer rouge et un boat people vietnamien. L'amour mais aussi la passion du jeu les réunissent. Une façon d'aborder un autre visage du traumatisme de l'après-guerre. Pour eux, la survie se joue-là aussi, désespérée, sur le feutre vert des cercles de jeu.
Une intrigue qui vaut surtout pour ces portraits esquissés en second plan des exilés khmers de Paris. Les rouleuses de nems en appartement, la grand-mère qui pleure sur leur «terrible karma», la jeune fille qui veut savoir d'où lui vient sa «cicatric