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Libération
Critique

Jeunes premiers

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«Casting», d'Emmanuel Finkiel, Arte, 22 h 50.
publié le 22 octobre 2001 à 1h20

«Le yiddish est ma langue maternelle.» «En yiddish, je suis chez moi.» Tous sont vieux, fatigués et incroyablement joyeux. Face à la caméra qui les a convoqués pour les entendre parler leur propre langue oubliée, ils se souviennent, chantent, rigolent. Ils revivent.

Pour le casting de son premier film, Madame Jacques sur la Croisette (un groupe de retraités juifs ashkénazes sur la Croisette), en 1995, Emmanuel Finkiel avait mis une annonce: «Recherchons pour tournage hommes et femmes entre 65 et 90 ans parlant yiddish.» Ils sont arrivés chargés de souvenirs, comme si la veille encore ils étaient en Russie, en Pologne, dans les ghettos, les camps, sur les chemins d'une Europe insensée dont ils sont les survivants stupéfaits. Finkiel filme leurs récits, leurs sentiments, s'entretient longuement avec eux comme le ferait un jeune homme curieux de connaître mieux ses grands-parents avant leur mort prochaine. Sous ses airs modestes, Casting bien sûr interroge l'Histoire et la mémoire. Il met en lumière une dimension de l'être humain sous-estimée par la mondialisation soi-disant accélérée: l'identité profonde d'un individu réside avant tout dans sa langue, qui lui tient lieu de pays, de vision du monde, de nourriture spirituelle. Trois femmes disent cette phrase qui opère dans le film comme un sésame: «Je n'ai pas parlé yiddish depuis la mort de mon mari.»

Casting vaut également comme making off maïeutique de Voyages (des juifs font le voyage jusqu'à Auschwitz, une femme se perd en I