Vous roulez loin, vers un hôpital, parce que la vie est une garce. Dans la voiture, de vieilles cassettes hurlent votre adolescence. Tout file et défile. Les kilomètres de souvenirs, le rock visqueux des Beasts of Bourbon, et la peur qu'il n'y ait bientôt plus de père. Et puis, il faut rentrer, faire le chemin inverse, rembobiner les bandes, encore chialer. 18 h, samedi. Le général Richard Myers, chef d'état-major au Pentagone sourit sur CNN. Il y a de la méthode Coué chez lui. Tout va bien, les frappes continuent, etc. Chaque soir, les télés lui embrayent le pas. Les intenses frappes intensifiées n'arrêtent pas de s'intensifier, qu'elles disent. Derrière le général, le sigle du Pentagone, inébranlable: sur le joli dessin stylisé, aucune trace de l'impact du vol AA77 d'American Airlines. Ça doit être ça, aussi, la guerre psychologique.
Ce samedi-là et ce sourire-là ont quelque chose de vraiment à part. «Voici les premières images de la guerre secrète», comme l'on dit sur Paradoxe TV (France 3). A gauche de Richard Myers, un écran plat, qui semble suspendu, autant que nous, exhibe une poignée de Rangers US sur le sol afghan. Le choix des couleurs et des lumières varie selon la chronologie supposée et la confiden tialité recherchée. En Trinitron et pleine lumière: les préparatifs des soldats, les paquetages qu'on ficelle. Puis, les parachu tages en noir et blanc. Et ce grisé qui se transforme en ce qu'il est, au fur et à mesure que la caméra s'approche du sol: en négatif. Enfin