Ne pas céder. Ne pas avouer. Pas pour entretenir le mystère, on a renoncé depuis longtemps. On parle, on ne peut pas se retenir. Côté théorie, on serait plutôt éjaculeur précoce. Tu me la mets là, ton idée, coco? Tu me mets un bébé dans le ventre, c'est ça, dépêche-toi. L'impatience, c'est un symptôme. Les psychiatres connaissent. C'est juste qu'il y a des choses qui ne se disent pas. Il y a des moments où il faut se retenir, c'est tout. Abstinence théorique, si l'on préfère. Pourquoi expliquer absolument, par exemple, que ce qui fait le prix de certains films d'aventures maritimes, ceux de Raoul Walsh avec Rock Hudson ou même Gregory Peck, ce sombre crétin de Gregory Peck, ça ne se monnaye pas? Dans Captain Horatio, Hornblower (Capitaine sans peur), Walsh atteint des sommets de lyrisme et d'ambiguïté qu'on ne trouve que dans les meilleurs romans de Stevenson, le Maître de Ballantrae par exemple. La médiocrité du jeu de Gregory Peck, son inexpressivité dramatique, Walsh la métamorphose en minimalisme extrême, un truc outrancier jamais vu au cinéma et qu'on ne reverra sans doute jamais, maintenant que «l'intelligence» (des acteurs, des metteurs en scène, des critiques) a remplacé l'insondable «bêtise» des Gregory Peck, des Rock Hudson, des James Stewart, tous ces beaux garçons sans cervelle dans la cervelle desquels il faisait bon projeter en douce, comme en contrebande, des sentiments humains, aventureux, amoureux et même un rayon d'intelligence parfois, rien que pour voir
Critique
Capitaine sans peur
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par Louis Skorecki
publié le 23 octobre 2001 à 1h21
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