Il est possible, pour ne pas dire certain, que le cinéma ne cesse d'échouer à filmer le coeur du désir. Trop invisible, trop dangereux. Il faut faire avec les restes, les manifestations visibles et rassurantes de l'amour, tout à fait passionnantes mais, enfin, à côté. Avec Sailor et Lula, adapté d'un roman de Barry Gifford, palme d'or 1990 à Cannes, David Lynch était à la croisée des chemins. Encore dans l'humanisme, encore dans le visible, encore dans l'espoir d'une tendresse possible. Il s'accrochait au bastingage d'une histoire avant que son cinéma, de plus en plus abstrait et violent, plonge dans la noirceur de l'esprit humain pris au piège de ses propres supplices, sur une route de plus en plus égarée, dont les yellow bricks s'espacent pour laisser place à un espace sans bornes et sans repères. Disons que lorsque Nicolas Cage, doté encore d'une tignasse respectable, chante Love Me Tender d'Elvis Presley à Laura Dern debout sur le capot d'une voiture, il est au bord du gouffre dans lequel, après Twins Peaks et Fire Walks with Me, Lost Highway s'enfoncera sans retour possible. Dans ce labyrinthe de la peur, les plus admirables compositions chromatiques essaieront en vain de faire oublier la lumière de la surface de la Terre. Lynch se soignera de ce plongeon asphyxiant en se promenant en tondeuse à gazon dans les champs blonds de l'Amérique. Mais le mal est fait. Les folies imaginaires du cinéaste ont parti lié avec le pire, cet espace mental où règne la terreur, laquelle,
Critique
Sailor et Lula.
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par Isabelle POTEL
publié le 6 novembre 2001 à 1h31
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