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Libération
Critique

Pauline à la plage.

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Cinétoile, 19 h 25.
publié le 15 novembre 2001 à 1h37

Pour ses jeunes filles, Eric Rohmer est un père parfait. Ce sont des petites filles modèles, il est un modèle de père. La père-version, comme dit l'autre, c'est une version du père comme une autre. Balthus était un pervers, Lewis Carroll aussi. Les grands artistes sont souvent de grands pervers. Ils veillent sur leurs créatures avec une douceur maniaque, une douceur jalouse. Bresson, n'en parlons pas. Plus pervers que lui, y a pas. La petite Wiazemsky dans Au hasard Balthazar, il n'a pas besoin de lui montrer comment faire l'âne, elle baisse les yeux comme personne. Rohmer, il leur ferait plutôt relever la tête, à ses petites filles. Regarde la caméra droit dans les yeux, c'est ça. Elles ne sont pas du genre à avoir peur du petit oiseau, de toute façon. S'il veut sortir, il sort. Ce sont des effrontées, des bavardes, des pestes. Des fillettes adorables mais des pestes quand même. Puritain comme il est, elles n'ont rien à craindre, de toute façon. Rohmer n'est pas du genre à sortir son petit oiseau une fois qu'il a dit moteur.

Faire des films, c'est quoi? Pour l'acteur, ça consiste à se montrer, à s'exhiber. Pour le cinéaste, c'est vérifier que ça tourne, autrement dit regarder celui qui se montre. Facile, non? L'un est payé pour se montrer, l'autre pour regarder. Le spectateur, n'en parlons pas, il est off limit. Regarder quelqu'un qui se montre, ce n'est pas son truc, au spectateur. Au théâtre, c'est une autre paire de manches. Le spectateur de cinéma, c'est le témoin d'une