Si les agences photographiques sont, à l'ère du numérique, devenues des proies vulnérables pour les groupes financiers «prédateurs» tels que Getty ou Corbis, c'est aussi en raison de la sévérité accrue de la concurrence: en quelques années, les agences généralistes, ou «filaires» (qui étaient jusque-là surtout des agences de texte) leur ont ravi environ un tiers de leur marché, jugé d'autant plus intéressant qu'il ignore les barrières linguistiques. L'AFP (Agence France-Presse), l'AP (Associated Press) ou Reuters fournissent maintenant à leur clientèle autant d'images (sinon davantage), plus rapidement, à moindre coût... et avec une qualité photographique qui efface quasiment les différences. Recrutés localement, employés à plein temps, travaillant en liaison immédiate avec leur rédaction, leurs photographes connaissent mieux le terrain que les photoreporters envoyés pour quelques jours par les agences photographiques.
L'AFP, qui n'avait qu'une vingtaine de photographes permanents au milieu des années 80, en compte maintenant 185 (tous salariés au mois), ainsi que l'explique Jean-François Le Mounier, directeur du département photo de l'agence. S'y ajoutent quelque 75 éditeurs, plus un volant variable d'environ 150 pigistes occasionnels. La photo, qui ne représentait il y a quinze ans que le vingtième du chiffre d'affaires de l'AFP (une trentaine de millions de francs), a doublé au cours des cinq dernières années: avec 155 millions de francs aujourd'hui, elle rapporte le dixiè