Elle vient d'avoir 50 ans. Il en a une dizaine de plus. Elle est belle, froide, distante. Sept ans après la fin de la guerre, exilés à Hollywood, Fritz Lang et Marlene Dietrich tournent un film ensemble, un western. Le titre, Rancho Notorious (traduit en français par l'Ange des maudits), en dit l'intemporalité, la désuétude presque primitive. Fritz Lang dirigeait-il Marlene Dietrich en allemand? Qu'est-ce qu'ils se disaient entre les prises? Mangeaient-ils à la cantine de la RKO ensemble? Autant de questions sans réponses (on suppose qu'ils ne se disaient rien), comme un arrière-plan muet au film le plus intemporel de Fritz Lang. Le plus kitsch aussi, d'une préciosité répétitive et cinglante, artificielle et meurtrière. Pas exactement un cinéaste naturaliste, Fritz Lang. Pour les retardataires, on rappellera que le naturalisme, c'est l'art (ou l'artifice) qui consiste à tapisser le film d'effets de réel à l'imitation de la vie. Quel rapport entre le naturalisme de Renoir, de Pialat, d'Annaud? Pas grand-chose. Renoir bouscule le naturel pour retrouver une réalité parallèle, toujours accidentelle, toujours synthétique. Pialat frotte la fiction dans le sens contraire du poil, donnant à son naturalisme un air bourru et dépeigné. Annaud filme les ours comme des hommes et les femmes comme des putes. Il y a autant de naturalismes que de cinéastes et très peu qui savent le transcender. Encore moins qui s'en éloignent, n'aimant retrouver le naturel que dans l'artifice. De ceux-là, La
Critique
Rancho Notorious.
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par Louis Skorecki
publié le 7 janvier 2002 à 21h36
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