Certains lecteurs se sont étonnés de trouver ici, à plusieurs reprises, des réserves sur Shoah (qui passe en ce moment sur Planète). Ce film, on ne peut pas y toucher. Comme s'il était numéroté par la haine à même la peau. Heureusement que les films parlent mieux des films que les critiques. Exodus est la meilleure réponse au travail de Claude Lanzmann. D'abord, parce que c'est un film d'avant Shoah, le film d'un temps où la parole cinématographique sur l'Holocauste était encore possible. Mais c'est aussi le grand film de propagande d'un grand cinéaste juif, Otto Preminger, un grand spectacle hollywoodien sur la sortie romanesque des camps de concentration, l'émigration vers Israël, la naissance compliquée d'un pays pas comme les autres.
Ici, il y a tout pour pleurer. Un bateau de survivants en quête d'un pays où oublier les souffrances qui ne s'oublient pas; un héros israélien aux yeux plus bleus que la mer (Paul Newman); une infirmière blonde et amoureuse (Eva Marie Saint); un terroriste très photogénique de l'Irgoun (David Opatoshu); son frère, qui milite dans la Haganah, une autre organisation juive, avec une telle allure qu'on oublie qu'il était terroriste lui aussi (Lee J. Cobb). La liste des personnages ne tiendrait pas ici: Sal Mineo en teenager rescapé des camps («Les nazis se sont servis de moi comme une femme»), John Derek en Palestinien fraternel, prêt à donner ses terres aux nouveaux arrivants, Alexandra Stewart, Jill Haworth..., autant d'acteurs fabuleux pour un