Voir Naples et mourir, ça se dit. Voir Venise et mourir, ça ne se dit pas. Dire les choses, de toute façon, ça n'a rien à voir avec le cinéma. Le cinéma ne dit pas les choses, il les montre. Mort à Venise, ça montre quoi? Les imbéciles diraient Venise. D'autres diraient la mort. Les imbéciles ont toujours raison. Une fois qu'on a dit ça, une fois qu'on a dit que le prince Visconti, l'un des inventeurs patentés du néoréalisme, se délecte à montrer un personnage en train de mourir à Venise, on est bien avancé. Sûr que Visconti excelle dans l'art de montrer les palais décrépits, les ruelles lépreuses, l'ocre des murs au moment de la mort. Il n'est pas mauvais non plus pour montrer comme la vieillesse affecte un visage, celui de Dirk Bogarde. Il montre encore mieux comment celui qui porte ce visage, Dirk Bogarde, s'affecte de voir son visage vieillir. Il trouve de belles idées pour montrer le ridicule de la coquetterie d'un vieil homme. Quand la teinture noir corbeau de Dirk Bogarde dégouline sur son visage en pleurs comme du Rimmel sur une femme en larmes, même un chien pleurerait.
Voir Venise et mourir, ça ne se dit pas. L'amour des adolescents prépubères, ça ne se dit pas. ça fait problème, comme on dit. Il y a trente ans, quand Visconti filmait les boucles vénitiennes de son garçon d'amour, ça passait comme une lettre à la poste. Dans les palais dorés sous la lagune, à l'ombre de la beauté princière et irréelle de Silvana Mangano, filmer les regards sans équivoque qu'échangen