Et si les meilleurs Chabrol étaient signés Mocky? A revoir les Fantômes du chapelier (Chabrol, 1982), remake clandestin de l'Ibis rouge, tourné par Mocky sept ans plus tôt, on se dit que le patron, l'auteur si l'on préfère, c'est Mocky. Il y a un point commun de taille entre ces deux beaux films, c'est Michel Serrault, du temps de son génie obstiné et modeste, du temps où il ne se prenait pas pour un évangéliste du rire obligatoire. Avec Mocky, Serrault a tourné deux ou trois chefs-d'oeuvre, les Compagnons de la Marguerite, Un linceul n'a pas de poche, le Roi des bricoleurs, pour ne citer que les plus beaux (le Miraculé, malgré quelques scènes d'anthologie, est nettement moins bon). A côté de Michel Simon (dans son dernier rôle), Serrault est absolument brillant en étrangleur maniaque dans l'Ibis rouge, un rôle qu'il trimballe presque tel quel dans les Fantômes du chapelier.
C'est un bon Chabrol, les Fantômes du chapelier. Qu'il vienne après le Mocky, c'est un détail, une vague coïncidence. Ce qui plombe le film, ce n'est pas Serrault. De toute façon, même s'il refait la même scène, le même gag, Serrault n'est jamais pareil. Le propre des grands acteurs, ça commence à se savoir, c'est de créer un nouveau personnage à chaque prise. A chaque prise, Serrault est un autre. Ce qui plombe les Fantômes du chapelier, c'est plutôt le jeu étriqué de Charles Aznavour, acteur surestimé qui ne sait jouer qu'un seul et même personnage, celui du loser, du petit juif, du pianiste goodisien.