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Libération
Critique

Les Contes de la lune vague...

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Ciné Classics, 16 h 55.
publié le 5 février 2002 à 21h59

On prenait plaisir à citer l'autre jour (à propos d'un film terminal de John Ford), une formule éblouissante de Jean-Pierre Oudart, l'un des derniers théoriciens radicaux du cinéma classique. Ces quelques mots sereins signent le refus d'embaumer le cinéma en tant qu'art, tant qu'il n'est pas tout à fait froid. «Le "miracle" automatique de l'impression de réalité, écrit Oudart, ... la plupart du temps, cette magie m'ennuie.» La formule a l'air d'avoir été inventée pour Lumière, pour Ford, pour Mizoguchi. Si on part de l'hypothèse esthétique d'Oudart, qu'est-ce qu'on peut dire ­ pour tant qu'on puisse dire quelque chose ­ des Contes de la lune vague après la pluie, chef-d'oeuvre ultraconnu et balisé du seul cinéaste à avoir jamais aimé d'amour les femmes? On ne peut rien dire. Si on ne veut pas trahir une certaine idée du cinéma, une certaine idée de Mizoguchi, on se résoudra à ne rien dire. C'est con mais c'est comme ça.

De deux choses l'une, soit Mizoguchi a poussé l'art de la transparence classique à un tel degré d'exaltation et d'incandescence qu'il excède le commentaire ­ n'importe quel commentaire; soit le cinéma, même le plus achevé ­ ce qu'est par excellence le cinéma mizoguchien ­ ne doit en dernier ressort sa magie qu'au «"miracle" automatique de l'impression de réalité», et le commentaire est tout aussi superflu. Que la magie du cinéma finisse par lasser, par donner la nausée après trop d'années d'éblouissement et de fuite transie devant le réel (comme dit Bergman, «