Au début, c'est une femme exaltée, sûre d'elle et de son ironie, bref, une grande gueule. Une femme qui déborde, de beauté, de mots, de sentiments, qu'elle exprime comme ça lui vient. A la fin, c'est une femme affaiblie, victimisée, qui tient à peine debout et s'accroche comme une môme à l'homme qui vient in extremis la sauver du piège où il l'a précipitée. Il a fallu cette transformation, au prix d'une affaire d'espionnage fumeuse, pour que cet homme puisse enfin surmonter sa trouille et aimer cette femme. Elle, c'est Ingrid Bergman, toujours surprenante dans l'étendue de ses compétences. Lui, c'est Cary Grant, raide comme un piquet, encombré de sa silhouette de joueur de cricket, beau mec extraordinairement frigide, profil idéal pour faire carrière dans les services secrets. Enchaînés tous deux à la grande perversité d'Hitchcock, qui passa son cinéma à attacher ses comédiennes dans des intrigues sadiques sans quoi elles ne se seraient peut-être pas laissé faire l'amour. Alicia Huberman est la fille d'un Américain d'origine allemande qui est condamné en 1946 pour espionnage au profit des nazis. Traîtrise originelle que le film va décliner comme seul mode relationnel possible entre les personnages et qui donne lieu à une spirale de métaphores autour d'un axe à la fois dérisoire et génial: dans une cave, des bouteilles de vin, trahison suprême, n'en sont pas. Pour se purifier de sa faute héréditaire et aussi, justement, d'un certain penchant pour la bouteille, Alicia devra no
Critique
Les Enchaînés
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par Isabelle POTEL
publié le 11 février 2002 à 22h09
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