Un Suisse pas vraiment neutre, Heinrich Lüber, cause à la terre dans un gigantesque mégaphone aux teintes jaune poussin. En lévitation, il lui assène une litanie de mots dans une mécanique désordonnée. C'est avec cette performance filmée par Thierry Augé, à mi-chemin entre un slam des alpages et un dialogue de sourds, que la Nuit s'avance. La Nuit, Die Nacht en allemand, parce que l'on est sur Arte et que Paul Ouazan, le concepteur de ce magazine hors du commun télévisuel, ne veut plus que le multilinguisme soit vécu comme «une galère ou une punition» sur sa chaîne.
La présentatrice, Stéphanie Schüler, annonce le programme dans les langues de Goethe et de Molière. De façon schizophrénique, français et allemand se superposent pour devenir quasiment inintelligibles. Le ton de Die Nacht/la Nuit produite par l'Atelier de recherche d'Arte et diffusée le dernier mardi de chaque mois est donné. Admirablement décalé. A l'image de Germain Huby, un aliéné du téléviseur qui incarne dans son appartement tous les personnages des Feux de l'amour. Un irrésistible exercice de clonage que ne doit pas renier Serge Mâtho (Punctum). Ce dernierÊdissèque les 20 heures des «grandes chaînes françaises» et y relève de curieuses concordances. Son montage ludique et pertinent le préserve cependant de toute irrévérence. Le portrait filmé de Lionel Jospin par David Guedj, un des deux réalisateurs permanents de Die Nacht, en est aussi dépourvu.
L'intérêt de ces travaux tient avant tout à leur subjectiv