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Libération

«Les crachats pleuvent soudain».

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publié le 6 mars 2002 à 22h30

Le jeune garçon surgit à droite de l'écran. Il est agile et souple, rapide et vif. Bonnet noir et veste à trois bandes. Il doit être dans les 20 h 15, la scène s'est déroulée lundi après-midi à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Chirac est en campagne à la ville. Il lui faut de l'image et du serrage de mains, du mentir-vrai et du faux contact, il lui faut du bus et de la gare RER, du poste de police blindé et des témoignages qui craquellent. C'est son côté panache, disent ses soutiens. Le Chirac entier, grande silhouette sans idées, sympa et fatigué. Mais le gamin ne veut rien savoir. Il se hisse sur les épaules de ses copains. Esquisse un drôle de mouvement, avec sa bouche d'abord, puis sa nuque, enfin il s'élance. Et crache. La haine blanche parcourt l'écran, et même à vitesse normale, on mesure sa trajectoire, on voit tout. Pense-t-il jouer, pense-t-il se la jouer, à quoi pense-t-il cet enfant? Voix off de France 2: «A la sortie, Jacques Chirac ne sourit pas longtemps. Les crachats pleuvent soudain. Des enfants d'une douzaine d'années hurlent en le traitant de voleur. Ils conspuent l'Etat, l'autorité, la société.»

Profil du Président. La bouche en O, un cri ­ «Hey! hey!» ­, puis son escorte qui se resserre, sa tête qui disparaît, encore des crachats, un ratage en quasi-direct, un surf sur les peurs urbaines qui tourne dérive et, maintenant, d'autres enfants qui courent, crient, enjambent une haie. Trois secondes ainsi, sans commentaire, juste avec le son. Ce son de déroute que le