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Libération
Critique

Noël 71, de guerre lasse à Belfast

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Docu/Au coeur du conflit, un film poignant de Marcel Ophuls
publié le 11 mars 2002 à 22h33

Noël 1971, l’Irlande du Nord est en état de guerre civile: des tanks dans les rues, des attentats, des arrestations, des morts. Au journal télévisé: «Un drame a failli se produire à Belfast. Des enfants qui avaient reçu des fusils en étrennes ont pris une patrouille en embuscade. Les parents sont priés de ne pas laisser les enfants jouer avec des fusils dans les rues.» Documentaire poignant, quand les parents de Colin, mort à 17 mois dans un attentat, répètent qu’ils ne reverront jamais leur fils, sans arriver à y croire. Et passionnant quand le montage de Marcel Ophuls fait répondre aux a priori des uns les détresses des autres. Quand il fait se superposer les voeux de la Reine accompagnée des deux petits princes, aux images de gamins barbouillés sur les ruines d’un mur. Dans A ceux qui perdent (A Sense of Loss, 1972), Ophuls retrouve des documents d’époque, collecte des témoignages d’hommes politiques, de militants, comme celui de Bernadette Devlin, les prêches du pasteur Ian Paisley, hurlant déjà du haut de sa chaire «à vous qui êtes là, mais qui ne serez peut-être plus là dimanche...» Devant une caméra, un journaliste commente l’incendie d’un immeuble. Une nouvelle bombe explose soudain, un policier blessé se tord de souffrance. Puis, nous sommes dans la maison de ce «catholique de gauche», arrêté «en vertu des pouvoirs spéciaux» devant ses enfants et envoyé en camp d’internement, et de sa femme, semi-infirme après que l’armée britannique lui a tiré dessus en pleine rue.