C'est un conte moderne, venu des années 80. L'histoire d'une bande organisée qui voyait son salut dans l'effronterie («Soyons désinvolte/ n'ayons l'air de rien», allaient-ils écrire). Le rock serait leur boussole, incertaine et fidèle. Ensemble, ils adoptèrent la démarche chaloupée des gens peu stables. Chacun sa croix, chacun sa barque tenir, c'est déjà beaucoup. A la télé, le gang ne s'aventurait jamais. Encore que ses clips lui permettaient d'y être sans y être, mini-compromis et maxi-partis pris. Et puis, samedi, aux Victoires de (l'industrie de) la musique, les Noir Désir sont venus. Et leur chanteur a lu un texte griffonné sur un bout de papier. «C'est une lettre adressée à notre cher PDG à tous, ou presque: Jean-Marie Messier.» C'était l'heure du soulagement pour Bertrand Cantat et sa bande. L'heure du rictus gêné, du rictus sincère, de la petite feuille qu'on déplie comme on va à la rupture: fébrile et décidé. L'heure du conte qui bascule, quand l'ogre doit vaciller, parce qu'il faut bien s'imaginer que la morale gagne. Et que les sous-contrats Universal (par le jeu des rachats) vont terrasser le méchant. Cantat lit. «Camarade PDG, tu permets que je t'appelle camarade (...) et puis, c'est mieux que ô grand Jean-Marie Messier, commandeur des communicants, et des autres aussi, par la grâce de la Sainte Trinité: ramifications, absorptions, profits.»
Jusqu'alors, sur France 2, on s'ennuyait sec. Rien n'avait pu électrifier cette Star Académie des riches et des parvenus.