Si ce mélodrame guerrier (Howard Hawks, 1941) est si peu hawksien, c'est à Gary Cooper, qu'il le doit. Une vraie fille, un vrai gars, celui-là. A quoi ça peut servir, un héros aux yeux de biche? A mettre en danger, en désordre, le système d'un grand cinéaste, par exemple. Seul un acteur aussi déroutant que Gary Cooper, l'ambiguïté et la virilité mêmes, pouvait dérouter avec un tel génie au fait, a-t-on dit, que Sergent York était un chef-d'oeuvre? un cinéaste psychorigide comme Howard Hawks, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il sait tenir la route. Il ne sait même faire que ça (il est payé pour ça, non?), sans le moindre écart, sans la moindre drôlerie même si la drôlerie, en l'occurence le va-et-vient entre drame et comédie (et vice versa), constitue de toute éternité sa marque de fabrique, son label rouge.
C'est comme si les hitchcocko-hawksiens survivants comprendront Hitchcock se retrouvait sur Fenêtre sur cour avec Gary Cooper à la place de James Stewart. D'où tu es, tu imagines le film, petit? Tu ne peux pas. C'est tant mieux. Les grands films, tu vois, c'est ceux que tu ne peux pas imaginer.Tu me diras que Hawks a dirigé le même Gary Cooper dans Ball of Fire, quelques mois à peine après Sergent York, et que ça passait comme une lettre à la poste. Ce n'est pas du jeu, ça ne compte pas. Hawks savait neutraliser un acteur dans une comédie, il le hawksisait à mort, le dégoupillait, lui ôtait ses moyens. Mais Sergent York, c'est un drame tout ce qu'il y a de