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Libération
Critique

Sur la route de Madison

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publié le 21 mars 2002 à 22h39

Quand il s'agit de jazz, cette glorieuse musique datée qui n'aura vécu, comme le cinéma, qu'une trentaine d'années (1929-1959), Clint Eastwood est aussi raide qu'un clone de Sinatra. Frank Sinatra ayant commencé sa carrière en imitant Billie Holiday ­ qui n'imitait personne, même pas Bessie Smith ­, le père de la chanteuse Alison Eastwood reste dans la ligne. Le plus vieux teenager télé-spaghetti du monde, qui a survécu à la plus méchante réputation de fasciste à Hollywood, est aussi sérieux, dès qu'il s'agit de jazz, que Robbie Williams ou Harry Connick Jr, c'est dire. Et le cinéma, est-ce qu'il le prend au sérieux ? Pas tant que ça, ce qui est plutôt à son avantage. Dans Sur la route de Madison, un beau mélo d'amour, son seul beau film peut-être, Eastwood se fait vieux beau avec un art de la ballade chansonnière tout à son honneur. Il plisse les yeux devant Meryl Streep, belle femme usée dont il est peut-être le dernier amour, pour qu'elle comprenne ce que veut dire la formule culte de Bouziane Daoudi, le territoire exotique des sentiments. Il est venu de loin, il tombe sur elle qui ne va nulle part. Il est photographe. Le monde, pour lui, c'est un cliché pour le National Geographic. Exotique, non ? Sentimental, non ?

Le film, c'est le territoire, disait le vieux Borges juste avant de devenir aveugle. Le film, le territoire, c'est pareil. Paysages sentimentaux, exotisme extraterritorial, déterritorialisation affective ­ qu'est-ce qui arrive au bout de la route, n'importe qu