Il faut être un peu dingue pour vouloir adapter l'intégralité des Misérables. Et des dingues, il y en a eu : tout au long du siècle dernier, une vingtaine de films sont allés pêcher au filet à larges mailles dans le fleuve hugolien. On refilerait volontiers son édition poche de Choses vues contre un billet pour Re mizeraburu : kami to akuma (Dieux et démons), adaptation japonaise de 1950. Ce n'est sans doute pas fini ; quel producteur peut résister à l'attrait d'une oeuvre si populaire, universellement connue, quitte à la storyboarder à la hache ? Selon les experts, qui se sont probablement cogné toutes les versions, celle de Raymond Bernard (fils de Tristan Bernard), datant de 1934, est la meilleure. Elle a au moins cette qualité de se donner du temps : plus de cinq heures, découpées en trois parties. On a aimé : les touches de réalisme poétique, Charles Dullin en ignoblissime père Thénardier, la musique d'Arthur Honegger, la liberté du cadrage la caméra a souvent une bonne dizaine de degrés de gîte. On a moins aimé : les dialogues de sourds (les micros n'étaient pas bien sensibles en ce temps-là), l'exposition schématique des personnages.
Harry Baur en Jean Valjean vaut son pesant de cacahuètes, mais il rame derrière une intrigue qui file TGV malgré ses cinq heures (il en eût fallu quinze). A peine est-il sorti du bagne qu'on le voit déjà s'enfuir de la maison de l'évêque de Digne avec l'argenterie sous le bras. ça fait court pour exposer une «tempête sous un crâne». Et q