Au début des années 60, l'Union soviétique khrouchtchévienne était en plein dégel. Nikita, qui avait dénoncé les crimes de Staline à la tribune du XXe Congrès (1956), promettait de transformer le Kazakhstan en vaste champ de maïs et de donner un logement à tous, si besoin en construisant des villes à la campagne. La comédie musicale Tcheriomouchki, montée pour la première fois à Moscou en 1958 et adaptée au cinéma quatre ans plus tard, est le reflet (à la fois naïf, comique et suprêmement kitsch) de cette parenthèse plutôt heureuse dans l'histoire soviétique.
La construction d'un nouveau quartier de Moscou s'achève. Jours de joie pour de jeunes mariés obligés de flirter dans les cinémas ou à la gare, et pour des familles mal logées, qui font partie des heureux bénéficiaires. «A Tcheriomouchki, aux temps jolis/ Les merisiers fleurissent...», chantonne l'ouvrier Sergueï, amoureux transi de Lioussa, la belle grutière au foulard rouge. Son copain, le malicieux Boris (un avatar russe de Gene Kelly), a le béguin pour Lida, qui vit seule avec son père dans un appartement précaire, dont le toit va bientôt s'effondrer. Tous à Tcheriomouchki !
L'ensemble tiendrait de l'aimable divertissement sans la réjouissante musique composée par Dimitri Chostakovitch et sans le traitement satirique, très osé pour l'époque, de l'intrigue. Pour prendre possession de leur logement, les héros devront en effet poireauter durant des heures, circonvenir l'intendant et le directeur du programme immobilier,