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Libération
Critique

Le Narcisse noir

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Cinétoile, 9 h 05.
publié le 2 avril 2002 à 22h54

Le parfum est capiteux, l'air aiguisé comme un couteau, la lumière tamisée comme dans un songe, les couleurs envahissantes, bavant du paysage sur les murs. Quatre nonnes sont envoyées par leur ordre dans un ancien palais hindou paumé dans la chaîne de l'Himalaya pour créer une école et un dispensaire. Ce qui s'annonce allégrement comme un film d'aventures garanti sur facture, la lutte téméraire de quatre femmes contre l'hostilité d'une nature inviolée et d'une population inconnue, tourne évidemment, grâce aux artifices éthérés de Michael Powell, à une séance contemplative et maladive sans échappatoire possible. L'auteur du Voyeur et de Colonel Blimp a recréé entièrement en studio le repaire escarpé, dominant à perte de vue des enchaînements implacables de pics et de vallées sans fond, où est pris au piège le quatuor en cornettes que le cinéaste enferme sadiquement dans son monde synthétique. Alors qu'elles devraient être recouvertes de tâches et de responsabilités, totalement dévouées à leur entreprise altruiste, l'ennui, la solitude et la vacuité les guettent mais pas seulement. Elles sont prises d'une étrange langueur, qui n'est autre que l'émanation de cette culture étrangère qu'elles ont cru domestiquer avec leur médecine savante, leur instruction, leur efficacité occidentale, et dont en fait l'extrême sensualité, insoupçonnable pour un esprit cartésien, les submerge à leur corps défendant.

Alors il ne se passe rien, que des bribes de conversations, des allers et venues d