Le mensonge comme mode de gouvernement. En Union soviétique, les citoyens faisaient semblant de travailler puisque, disait-on, l'...tat faisait «semblant de [les] payer». C'est ce qu'on appelait le savok. Mieux valait faire avec. Les (rares) individus qui refusaient de se conformer à la loi du système et relevaient la tête étaient impitoyablement châtiés. Mais pas n'importe comment. Direction : l'hôpital psychiatrique, où l'on allait tenter de les guérir de leur «schizophrénie». Car seuls des êtres dérangés pouvaient vouloir quitter ou réformer le paradis communiste sur terre.
Les auteurs de ce documentaire angoissant en ont rencontré quelques-uns. Sergueï, Boris ou encore Piotr racontent le cheminement qui les a conduits à passer plusieurs années en hôpital «spécial». Leur témoignage pudique et terrifiant est parsemé de séquences tournées aujourd'hui dans les asiles. Où l'on se dit que le film de Milos Forman, Vol au-dessus d'un nid de coucou, était d'une naïveté désarmante.
Promiscuité, hygiène inexistante, brutalité des infirmiers, viols, les établissements psychiatriques à la soviétique n'avaient rien à envier à l'univers carcéral. Sauf qu'on y administrait une flopée de médicaments, à commencer par de l'insuline censée guérir ces âmes malades... Le supplice n'avait pas de fin programmée : l'interné politique ne savait rien de la durée de sa détention. A son arrivée, Sergueï s'est ainsi entendu dire : «Les dix premières années vont être difficiles. Les dix suivantes seront